Requêtes et Doléances

Ezéchiel poussa un soupir à fendre l'âme, tapotant d'un geste ennuyé les accoudoirs de son siège. Il se trouvait séquestré par ses conseillers dans la grande salle du Conseil, au sommet de la plus haute Tour de la Ville Esotérique, tout ça parce que la dernière Réunion entre les trois Dirigeants des Capitales avait abouti à la décision stupide d'ouvrir des Jours de "Dolénances"... Soi disant pour permettre de se rapporcher au mieux des besoins des citoyens...
Le Lunarticiah avait fait traîner les choses plusieurs semaines, mais suite à l'échos positif qui était revenu d'Arrène puis de Mellandre, il avait finalement été contraint d'abdiquer.

Dans la pièce résonnait comme une provocation la trotteuse d'un carillon, merveille du peuple Thiel qui en cet instant se trouvait être la cible directe d'une aura meurtrière.
Car l'Homme qui devait présider les doléances était de fort méchante humeur. Non seulement il devrait désormais passer trois matinées par semaine à écouter les plaintes sans intérêt des paysans de Thélus, assez stupides pour espérer faire pousser un quelconque légume dans une région constamment nocturne, et qui en plus avaient le culos de ne pas comprendre pourquoi ils n'obtenaient aucun résultat..!

En plus de cela, les premiers Scarabées d'Ambre avaient fait leur apparition dans les recoins sombres de la cité alors que la nouvelle saison n'était pas encore installée. Autant dire que l'invasion se révèlerait vraiment problématique cette année. Le phénomène, qui avait toujours plus ou moins eu lieu, commençait cependant à prendre des ampleurs catastrophiques d'année en années, pour de bien mystérieuses raisons. Les scarabées, toujours plus nombreux, ne constituaient pas un réel danger isolés, mais en groupe, ils devenaient suffisamment agressifs pour s'attaquer à de jeunes enfants. Et sans même considérer la sécurité des citoyens, ces insectes s'attaquaient aux grappes d'oeufs des lucioles, menaçant de les faire disparaître au fil du temps... Rien qu'à la saison froide, on avait constaté moitié moins de naissances chez les luisants qui illuminaient Thélus.
Il était hors de question que cette nouvelle année suive le même chemin, et le dirigeant était prêt à embaucher plus de chasseurs qu'il n'en faudrait...

Mais présentement, plutôt que de se pencher sur ce problème épineux, qui d'ailleurs ne semblaient alarmer que lui et quelques enthomologues du Sénacle - à en juger par l'attitude de ses conseillers - le voilà qui patientait depuis plus d'une heure dans cette maudite salle.

Ses yeux se perdirent à travers la baie vitrée, sur les sereins Jardins Suspendus.

* La matinée s'annonce longue... * pensa-t-il avec un nouveau soupir. * Espérons que les kilomêtres d'escalier décourageront les plus entétés... *

Ezéchiel avait passé les vingts dernières minutes à fixer la porte de la salle du Conseil avec un regard toujours plus meurtrier au fil des secondes qu'égrénait bruyamment l'horloge travaillée fixée sur le mur adjacent. Chaque cliquetis résonnait, comme pour faire échos au silence pesant... S'il ne se passait rien dans les quelques minutes, les conseillers auraient à déplorer la perte d'un remarquable ouvrage Thiel, tout incrusté de dorures et de mécanismes complexes, que le dirigeant aurait vite fait de remplacer par une bête clepsydre, silencieuse.

Par chance, le verre de la fenêtre tinta sous des coups d'un fin bec, attirant l'attention du Lunarticiah. L'homme esquissa un mouvement, prêt à courir à la feneêtre, avant de se rappeler de l'imminence de la fête du Ramanthin, organisée par son équivalent Mellandrin, ce qui lui arracha un soupir las.
Il était à parier qu'il s'agissait d'un bête faire-part, contenant peut-être une invitation, à la rigueur. Le nécromancien s'approcha tout de même de la fenêtre, piochant au passage une croquette de céréales pour récompenser l'oiseau. A vrai dire, bien qu'il n'appréciât pas grandement les discours à rallonge, empreints d'une passion excessive, de son vis-à-vis, la perspective de sortir un peu de ses contrées nocturnes ravivait son entrain.

A peine le loquet fut-il abaisser que l'albanestre s'engouffra dans la tour, pour aller se poser directement sur le bureau. Comme tous les animaux, il montrait des signes d'agitation au contact du Lunarticiah. La plupart des bêtes devenaient nerveuses face à la nécromancie, un signe que cet art magique n'avait rien de "naturel", au point de recevoir la désapprobation de la nature. Depuis de longues décennies maintenant, Ezéchiel était habitué à ce phénomène, qui excluait tout voyage à cheval, et entrainant de multiples autres désagréments. Au final, les seuls animaux qui consentaient à rechercher sa compagnie étaient ceux que la mort rattrapait... Combien de fois un oiseau s'était-il posé sur son épaule uniquement pour tomber raide mort quelques minutes plus tard... Pas étonnant que les nécromanciens finissent par avoir telle réputation de mauvais présage... Cela demandait une période d'adaptation, mais on finissait pas s'y faire...
Certains ne rencontraient pas ce problème toutefois...

Agacé par le volatile qui commençait à se débattre face à une menace inexistante, griffant son hôte de ses serres malgré les efforts de ce dernier pour le rassurer, le dirigeant saisit fermement l'albanestre par les pattes et en dénoua le message de cuir qu'il laissa tomber. Il se dirigea ensuite à grands pas vers la porte qu'il ouvrit à la volée pour jeter l'oiseau épuisé et paniqué de l'autre côté, le laissant s'envoler dans le couloir. Le dirigeant appela alors un de ses conseillers, afin qu'il prenne soin de l'animal redevenu plus serein maintenant qu'il était perché près des escaliers, et l'emmène à la volière, ou il pourrait se reposer de son long périple.

Claquant la porte avant même d'entendre la réponse du conseiller, Ezéchiel ferma les yeux un instant, inspirant profondément, avant de fixer la lettre au sol. Il s'agissait d'un message de type "Urgent", ce qui ne manqua pas de l'intriguer.
Il essuya les griffures de ses poignets d'un mouchoir de tissu blanc, tout en s'approchant du message qu'il ramassa afin d'en lire le contenu.

Las…l’élève était las de ces escaliers infinis et complètement absurdes menant pourtant à un endroit des plus importants de la ville, car s’il est important pourquoi un accès si difficile? Thanatos n’y était jamais aller, par simple désintérêt. Ayant été absorbé par ses études avant de décider de partir à l’aventure, il préférait les livres poussiéreux que la bouche des paysans, jamais satisfaits, et celle de la politique, menteuse et délibérément démagogue.

Sa montée se termina enfin, il déboucha sur une grande salle, des plus majestueuses, raffinées, et chargée de…mauvaises ondes??!! Thanatos pendant un bref moment ne savais pas quelle était la source d’une légère vague de malfaisance. Le jeune homme eut du mal, de part l’immensité de la pièce, à fixer son regard sur le sol, préférant aussi regarder le beau dôme de cette majestueuse pièce.

Le silence de la salle rendait Thanatos assez mal à l’aise. Il détourna enfin son regard du dôme puis…vit une silhouette vêtue de noir. Et un sentiment de nausée traversa l’esprit de l’élève. *Un nécromancien…* pensa-t-il.

Thanatos essaya de mieux cerner le personnage, un certain descriptif qu’il avait lu sur des livres de magie, plus précisément sur les personnages importants de la ville Thélus, lui revint à la mémoire. *Un nécromancien… pas de doute possible* se dit-il encore une fois. Une telle aura ne peut venir que d’un personnage comme celui-là.
Il en avait entendu parler d’ailleurs, Ezéchiel Sheryde. Un fameux nécromancien et très important dans les décisions sur Thélus.

Thanatos s’avança doucement vers le personnage encapuchonné, puis s’éclaircit la gorge :″-Hum…hum…″ fit-il.

[HJ]: voilà j'espère avoir fait ce qu'il fallait, désolé pour le retard.

À peine le Thélusien encapuchonné dit ces mots avec fermeté que thanatos s’en trouva dérouté. Une mission…de la plus haute importance! Mais que pouvait faire un jeune élève de magie tout frais sortit de son école? Les mots ″vous en serez responsable″ vinrent aux oreilles du jeteur de sort, une goutte de sueur perla sur le front de celui-ci.

La peur mais en même temps l’adrénaline et même la fierté s’emparèrent de Thanatos. Il n’en demandait pas tant que cela, une telle charge lui semblait insupportable. Puis dans un bref moment de lucidité il se rappela ses serments envers lui-même : partir à l’aventure est la seule quête bénéfique pour harmoniser son corps et son esprit; trouver le repos de l’âme par le combat.

Ces pensés dissipèrent les nuages brumeux de la peur, il se dit que cela devrait être son destin. Après tout il ne voulait pas resté couard toute sa vie; seul le courage devra lui dicter sa voix à présent.

Après que Sheryde eut dit tout ce qu’il avait à dire au jeune homme secoué mais déterminé, thanatos fit le point un moment dans son esprit, l’air songeur. Premièrement, il lui fallait une situation précise du Camp d'Entraïnement des Brigades Magiques ainsi que du Poste d'Albanestres.

Justement, sur lui avant de partir de la ville, il avait soigneusement emporté une carte de la ville et de ses environs; mais il ne savait pas où se trouvaient ces endroits, bien qu’il était née dans cette ville, mais il ne se limitait qu’à ses quartiers et son école…et optionnellement la bibliothèque.

Après réflexions, thanatos formula ses questions :

″…oui…voila qui est fort important en effet…eh bien…je m’engage à vous remplir en due forme cette mission ! ″ dit-il avec détermination, malgré sa peur.

″Je ne connais malheureusement pas le poste d’albanestre, malgré ma natalité dans cette ville. De plus j’aimerais que vous m’indiquiez où se trouve le Camp d'Entraïnement des Brigades Magiques. Voici une carte, faites donc.″
Et thanatos déroula une carte de son sac neuf qu’il remis au Nécromancien, puis il pris les parchemins que le Lunarticiah lui avait mis sur le côté de la table.

L'ansurrien ajouta en dernier : ″ Dois-je vous revoir après la mission à ce fameux poste d’albanestre pour l’ordre de mission des scarabées d’ambre, ou me donnez-vous les modalités et informations la concernant tout de suite? ″

Le nécromancien observa le jeune élève magicien sortir sa carte et lui poser les questions de rigueur. La peur suintait par chacun de ses pores, mais son visage reflétait suffisamment de détermination pour que le dirigeant ne soit pas convaincu qu'il valait mieux le renvoyer tout de suite chez lui.
Avec le souci soudain que lui posait la missive d'Erian, il en avait perdu son sang froid, au point d'inquiéter le jeune homme... Ce n'était quand même que des scarabées d'ambre. Seules les larves des lucioles qui ornaient les buddléai avaient vraiment à craindre... Et les jeunes enfants innofensifs à la rigueur.

Rien qui ne soit insurmontable pour un mage, même encore en apprentissage. Le Lunarticiah hésita à formuler ses pensées à voix haute, mais cela aurait sans doute eu pour résultat de miner le pauvre homme, plus que de le rassurer. Mais à vrai dire, il n'avait guère le temps de s'attarder sur ces états d'âme: chacun allait devoir faire preuve de responsabilité, quels que soient les risques, si les temps sombres qu'annoncaient la lettre se révélaient juste.
Ezéchiel était l'un des plus mal placés pour dire ça, mais il arrivait un jour où il fallait savoir chasser le doute ou l'hésitation. Et il venait de décider -de la façon la plus arbitraire - que ce jour était justement arrivé pour l'adolescent qui lui faisait face.
Aussi, posant un regard froid sur la carte présentée, il s'avança lentement, avant d'abattre un peu trop bruquement une main ferme sur le parchemin, qu'il roula ensuite pour le tendre à nouveau au jeune homme.

"Peu importe le poste d'albanestre, cela n'a pas la moindre urgence. ." articula-t-il lentement. " Détruisez ces scarabées. Leur cible sont les buddléjas qui parsèment nos murs, par conséquent c'est aux Jardins Suspendus qu'ils sont le plus abondants... Je vous donne trois jours. Passez-y le jour et la nuit s'il le faut, mais ces satanées bêtes doivent périr avant que ne débute les grandes pontes, sinon la prochaine saison d'ombre ne verra pas la naissance des lucioles si chères à notre cité. "

Et de se retourner en direction des grandes baies vitrées, son attention totalement détournée du jeune homme, ce qui singifiait en langage clair qu'il n'avait plus qu'à disposer.
Quelques secondes, suivies du claquement rapides de talons sur les dalles de céramique, et il savait que le jeune aventurier s'en était allé, l'échos de ses pas résonnant loin dans le couloir. Néanmoins, cette mission n'attirait pas foule, et voilà qu'un albanestre amenait d'autres nouvelles, non moins pessimistes. Tant de choses à décider, et si peu de certitude dans ses choix... Gouverner n'était que pure malédiction, décidément...

[ Arrive des Quartiers du Centre

Après consultation de Loth', à supposer que Thanatos fait le tour de la graaaande table dans un sens et que Mumu le fait dans le même, combiné à son étourderie de blonde, je considère qu'elle aperçoit à peine l'Élève de Magie masqué par la hauteur des sièges tandis qu'il sort de la salle. ]

Presque deux heures que le dirigeant de Thélus rumine en haut de sa tour, et presque deux heures que la ménestrelle erre dans les rues et ruelles, distraite de son but du jour par tout et surtout par rien. Une jolie pancarte aux gracieuses inscriptions runiques, un enfant qui joue avec une bricole qu'elle ne connaissait pas, des vitrines décorées avec raffinement, de clinquant bibelots qui étincellent malgré la pénombre, l'eau d'une fontaine qui glousse gaiement, une flamboyante chevelure indisciplinée... Tout est prétexte à détourner ses pas légers du chemin, même une simple luciole. Puis soudain, elle se dresse fièrement dans le lointain : la Tour aux espoirs. Plus question de flâner désormais que ses yeux olive l'ont touché, la jeune fille tracera tout droit.

Au pied de l'imposant édifice, le museau mutin de Mûoï se lève d'admiration, mais la contemplation de dure pas : en effet, maintenir une telle posture serait l'assurance d'un fabuleux torticolis. Doucement, respectueusement, la silhouette effilée pénètre dans les lieux. Un valet croise le regard curieux de la visiteuse. Ah, oui bien sûr, tête nue, on est à l'intérieur.
La veste sans manche abaissera docilement sa capuche bordée d'un élégant cordon prune, dévoilant à l'assistance une blondeur vénitienne. L'habituelle natte solitaire s'est faite double, jumelles qui se plient en zigzag d'une oreille à l'autre dans la nuque de l'aventurière, formant un chignon plat. Ce n'est que losrque la vagabonde se meut vers les escaliers que la beauté dynamique de sa tunique lavande se révèle : le vêtement entoure la taille de guêpe de la demoiselle et se fend en deux queues de papillon exagérées à partir de ses hanches. Sous l'étoffe souple, débordent des manches de coton écru et un pantalon sable court, très court même, qui laisse paraître aux trois quarts des cuisses d'albâtre. À l'inverse, vous ne discernerez pas 1 cm² de mollet, couverts d'une haute paire de bottes légères, serrées au genou par un ruban violacé dont les pans satinés dansent joyeusement à chaque pas de la jeune fille. La toile couleur paille délavée s'évase pour se resserrer au niveau de la cheville. Dans un autre univers, à une autre époque, dans un pays où la technologie des Thiels serait archaïque, un pays étrange et chanceux où dit-on le soleil se lève, ces chausses seraient à la pointe de la mode, rappelant furieusement les jambières aux plis infinis qui dégoulinent sur les sandales des étudiantes. []

Et commence l'ascension. Au cou de Mûoï, un fin lacet de cuir retient un instrument ovoïde de céramique bleutée qui dodeline. Son grand frère d'argile grise tapote la hanche de sa propriétaire, tout comme la besace usée dont la bandoulière repose sur l'épaule opposée de la gauchère. Un étage, deux étages, trois étages, et à venir, encore davantage. Courage. Les marches défilent, les portes aussi, le tout dans la monotonie. Lasse, la jeune fille soupire... Adossée au mur de pierre, ses yeux tombent sur ses pieds boudeurs. Puis furtivement sur le mince anneau d'argent à son index gauche. Il n'en faudra pas plus pour les remplir à nouveau de volonté, allez ! Tout là haut, il y a un Alchimiste. D'après les dires du personnel, les citoyens mécontents ne se sont pas bousculés au portillon en ce matin tranquille, occasion rêvée de s'éloigner de l'ordre du jour. Et le colimaçon infernal de se terminer. Enfin.

Le regard pétillant, Muoï fait une pause devant les immenses portes de la Salle du Conseil. Les gravures élaborées qui les ornent l'apaisent, sentiment mystique de sérénité. Son souffle se fait plus lent, plus posé. Fraîche, la vagabonde franchit le seuil de la pièce qui respire la majesté. Les impressionnantes rangées de livres qui couvrent les murs lui arrachent de petits "Oooooh !" émerveillés. Bien que la table de réunion soit vide, il y a quelqu'un là, près de la fenêtre. Impossible à manquer avec son grand manteau de jais et ses cheveux neigeux. Confiante, la jeune fille en tunique bleue avance, avance, faisant le tour du meuble gigantesque. À l'autre extrémité, entre les hauts sièges des élégants fauteuils de bois, elle finit par remarquer une silhouette humaine qui part en sens inverse. Zut, peut-être aurait-elle dû attendre qu'on l'annonce ? Y avait-il une hôtesse à l'entrée ? L'aurait-elle manquée ? Fort possible, vu son talent à ne pas voir l'évidence... Pour qui va-t-elle passer auprès du Dirigeant de Thélus ? Tandis que les interrogations fusent, la tête de linotte confuse se retrouve déjà malgré elle à quelques pas du Nécromancien. Elle pile, net. Flûte. La timidité ressurgit et empourpre soudain ses joues, elle pique du nez et commence à tortiller nerveusement ses doigts. Il s'agit d'un homme d'État tout de même ! Les boulettes, elle enchaîne, ça s'trouve, rien que sa présence ou sa tenue en sont ! Elle connaît quelques usages, enseignés par sa bien-aimée au maintien strict, mais probalement existe-il des subtilités vexantes dont elle n'a jamais eu vent ! Sur le mur granitique, l'objet qui tchik-tchik-tchake sourdement ne fait qu'accentuer encore le malaise de la pivoine dont le coeur tambourine trois plus vite que le bijou mécanique à trois aiguilles. Du calme, du calme. Le ridicule n'a jamais tué qui que ce soit ! L'auto-dérision est son amie et elle l'invoque souvent, il n'y a vraiment pas à s'en faire, elle doit se reprendre, que diable ! La bague argentée lui rappelle encore une fois la raison de sa présence. Le sourire est de retour, elle peut tout affronter désormais.

L'homme contre la vitre semble déconnecté de l'environnement, incitant Mûoï à l'examiner plus avant. Première impression : la froideur. Comme Mlle Rin. Mais la comparaison s'arrête là car viennent ensuite le teint livide et les traits osseux du personnage à l'air austère. Parmi ses longs cheveux incolores et nébuleux, on devine une oreille allongée qui pointe... Un Lunarticiah... L'Ansurienne nomade n'avait jamais croisé un de ces êtres rares auparavant et s'intéressant plus que modérément à la politique d'Initium, cette information lui avait carrément échappée. Se rendant compte tout à coup de son indiscrétion, la courtoisie lui fait faire quelques enjambées de plus. Une fois à portée de voix, la saltimbanque aux nattes vanille prend l'initiative de se faire connaître. Un pied devant l'autre, le bras droit barrant sa poitrine, celle qui demande audience donne la révérence.

"Messire Ezechiel, recevez mes respectueuses salutations. Je me nomme Mûoï, Müoï Dalendardrr, artiste itinérante de mon état." déclare-t-elle de sa voix mélodieuse.

Elle rayonne d'avenance et n'attend plus qu'une chose : que soit donné le feu vert à l'entretien.

[Hj: pas de souci, j'avais même fini par modifier le RP en 'forçant' le départ de Thanatos puisqu'il n'est plmus revenu depuis un bout de temps ^^']


La méchante humeur nichée dans le crâne du Lunarticiah au début de la matinée avait fait place à une contrariété modérée, que n'apaisait malheureusement guère la contemplation des arbres tortueux fleurissant sous les fenêtres. Une amélioration non négligeable, mais furieusement fragile... Ce n'était pas sans raison que des "conseillers" l'accompagnaient en permanence, afin de lui rappeler sans cesse les mêmes préceptes insignifiants sur la politique, la négociation, et ses obligations en tant que dirigeant... A son humble avis, ils tenaient plutôt à s'assurer que les tensions régnant entre les trois personnalités divergentes ne mettent pas en péril la Coopération.
Parfois, l'étrange impression qu'on le considérait comme un mysanthrope totalement ignorant des convenances lui traversait l'esprit, pour s'enfuir aussitôt au loin.
Il était mysanthrope, force est de l'avouer, et son sort lui plaisait bien de cette façon. Néanmoins, cette fois il refuserait l'invitation forcée des conseillers à la tunique sépia. Biens sûr, ils tenteraient de le dissuader de se rendre à la grande fête de Mélandre, mais Ezéchiel savait fort bien qu'ils finiraient pas céder s'il se montrait suffisamment insistant. La patience était un atout sans mérite quand on vivait longtemps...

L'homme aux cheveux d'ivoire triturait la lettre entre ses doigts, son regard placide la traversant comme si le bout de parchemin était invisible, signe de ses réflexions internes. Mais à peine les pas du jeune mage s'étaient éloignés, signant la fin de l'entretien, écourté par ses soins, que les voilà qui venaient l'importuner de nouveau, s'approchant furtivement. Cette constatation arracha un soupir résigné à la haute silhouette, qui s'appêtait à expliquer à nouveau que les postes d'albanestre n'entraient pas en ligne de compte dans cette mission, prêt à déchirer cette fichue carte s'il la lui présentait à nouveau , lorsque résonna une voix fluette et chantante, qui n'appartenait définitivement pas au mage.

Un sourcil blanc se dressa nonchalemment, accompagné d'une réflexion cinglante sur ses piètres qualités de combattant, pour ne pas avoir sur distinguer les deux présences distinctes...

Se retournant, les pans de ses manteaux décrivant un arc de cercle à peine décelable tant leur poids les maintenait inerte, Ezéchiel observa d'un oeil flegmatique le petit bout de femme qui lui faisait face, sa taille s'amenuisant encore sous le geste de révérence.
Très certainement une jeune fille de bonne famille, à en juger par la délicatesse dont était empreint le mouvement... Vraisemblablement pas une combattante, sans quoi elle aurait plus sûrement mis un genou à terre, comme cela se faisait généralement - pour ce qu'il en avait vu à Arrène, mais là encore, les moeurs variaient selon les lieux, et le lunarticiah ne s'était jamais vanté d'être un fin anthropologue...
Le discours qui suivit éclaira un peu plus le nécromancien. Une artiste. Comment cela ne lui avait-il pas traversé l'esprit? La ressemblance avec le dirigeant Mélandrin était assez frappante, dans cette simple présentation, la rigueur du langage et du maintien, tout à la fois empreint d'une fluidité que seuls les musiciens et autres funambules arboraient.

* Comme si la vie leur était un spectacle continu... * se surprit-il à penser.

Quoi de plus étonnant, au final? Un combattant ne gardait-il pas les mêmes réflexes, que la menace soit présente ou non? Un artiste, qui vivait de son art et pour lui, finissait inévitablement par en être habité en permanence... Sans doute était-ce même là une marque de qualité garantie. [HJ: un peu comme la viande XD].

Les cheveux blancs s'agitèrent lentement, suivant le mouvement de la tête sur laquelle ils étaient posés, en réponse au salut offert. La visite avait de quoi étonner, pour ce qu'elle était des plus inhabituelles, mais il ne fallait pas faire attendre la jeune visiteuse pour autant.

"Une artiste itinérante, hein? " énonça-t-il en échos aux paroles prononcées "C'est chose plutôt rare dans nos contrées, particulièrement en ces temps de festivité annoncée à Mélandre... "

Pour dire vrai, il ne pensait pas qu'un seul artiste ait jamais mis les pieds dans la salle du conseil ces dix dernières années... D'accord, le fait qu'il n'ait réouvert la pièce aux visites extérieures que depuis peu y jouait une grande part, mais quand bien même, aucun motif de présence valable ne lui venait à l'esprit... Chose qu'il ne tarda pas à signifier à son hôte.

" ... Et que nous vaut l'honneur d'une telle présence, je vous prie? "

Son oeil gauche ticqua lorsque le "nous" atteignit ses oreilles, pour la bonne raison qu'il était parfaitement seul en ces lieux, mais bien vite, il se résigna. Il se résignait toujours quand on en venait au discours. Sa réputation le précédait dans le domaine, et en toute sincérité, il n'avait jamais réellement saisi toutes ces nuances de langage qui tissaient les rapports sociaux... La beauté des mots lui était précepte étranger, seul leur signification comptait à ses yeux, et les discours enjolivés sonnaient à ses oreilles comme une façade décorée en trompe-l'oeil... Il n'existait rien de plus falacieux que le langage, capable de guider comme d'égarer... Les années passants, le Lunarticiah était devenu incapable de décider lesquels, des avantages ou des inconvénients de cet outils formidable qu'est le langage parlé prenaient le dessus. Sans doute la conséquence des années endurées en compagnie des fanatiques aux déesses lunaires, pour qui les mots constituaient l'arme la plus redoutable.

Présentement, la jeune femme à la voix chantante et enjouée ne semblait guère appartenir à une quelconque organisation religieuse venue lui reprocher une énième fois d'avoir amené le malheur sur sa cité en condamnant l'ancien temple, dernier vestige de ces prophètes du dimanche - la simple idée qu'ils ne manqueraient pas s'élever en funestes augures si jamais le contenu de la missive se révélait fondé lui arrachait des grincements de dent - son teint de pêche et ses yeux brillants lui conféraient même un air enfantin...

Que dire de l'étrange perplexité qui envahit Ezéchiel aux paroles prononcées, si ce n'est que son sourcil gauche se permit de laisser transparaitre sa surprise en s'élevant anormalement haut sur son front.
Néanmoins, n'était pas philanthrope qui veut, le Lunarticiah encore moins, aussi les motifs empreints de sympathie de la jeune funambule ne lui effleurèrent même pas l'esprit. La discussion l'amena naturellement à songer que, malgré la remarque, elle souhaitait l'entretenir d'une affaire particulière, affaire qui demanderait sans doute un peu plus de temps que les simples requêtes qui défilaient en ce lieu.

Il avait le sentiment que ce serait lié, de près ou de loin, à la magie... Sur quoi d'autre pouvait on venir discourir avec un alchimiste nécromancien, dirigeant de la cité ésotérique, qui plus est?
Qu'à cela ne tienne, il se révélerait plus prolixe en ce terrain familier que sur les sentiers tortueux du domaine politique. Et d'une certaine façon, par son comportement à la fois innocent et sans détour, la jeune visiteuse avait su capter son attention. Aucune exigeance ne transparaissait dans ses gestes ou sa voix, à croire que sa venue ne s'adressait au dirigeant, mais à l'habitant le plus susceptible d'être au fait des évènements. Des évènements, ou du moins, d'un aspect quelconque concernant l'affaire qui lui portait à coeur.

Et puis, son art versait dans la subtilité. Difficile de refuser quand elle avait touché au plus juste: aucune occupation ne s'annonçait jusqu'aux 12 coups de la mi-journée, qui sonneraient le glas de ses obligations hebdomadaires. Ensuite seulement tâcherait-il de s'inquiéter de la missive reçue.

Dans la pièce excessivement fraîche, aux dalles de céramique austères, Ezéchiel accepta l'offre de l'artiste. De sa haute stature, il courba impercéptiblement la tête et tendit la main vers les hauts sièges qui entouraient l'immense table, son geste les invitant à s'asseoir.

" Très bien. Installons nous pour parler de tout cela... "

Les lourdes chaises inusitées s'impatientaient de les accueillir, mais ni thé ni gâteaux ne suivraient. En plus d'être un piètre politicien, le mysanthrope se révélait un piètre hôte aussi, sans même en avoir conscience. Son teint livide et ses joues creusées en disaient long sur son hygiène de vie, son existence entière tournée vers le savoir au détriment d'actes aussi innés que manger ou dormir. Un contraste impressionnant s'affichait entre la jeune femme et lui, presque symétriquement opposés en de nombreux points apparents.

" Après tout, ce n'est pas si souvent que j'inspire tant d'espoir à quelqu'un... En quoi puis-je donc vous aider? "